Sommaire
Dieu merci, je peux me revendiquer d’être un pur produit de la profonde mixité confrérique et confessionnelle, mais également éthique du Sénégal.
Je suis lébou, mais dans mon sang coule du sérère, du wolof, du malinké, du mandjak, du toucouleur, du peulh, et même du ndiago.
Je suis un arc-en-ciel, un kaléidoscope, et si je revendique hautement, fièrement (et parfois avec dédain) mon sang lébou de père et de mère, je puis tout autant clamer une fière appartenance à n’importe quelle autre ethnie au Sénégal et au-delà.
Papa repose à Thiawlene, son repos bercé par le doux bruit des vagues, la concession familiale se trouvant en face de la mer, les esprits de Thiaba Gueye et Mbay Cissé veillant sur nos vivants et nos chers disparus.
Maman est née à Adéane, village lébou de la verte Casamance, où repose ma grand-mère adorée, Thiandoum Ngoné, de Ngor, cousine du Cardinal Thiandoum.
Maman a grandi à Conakry, parce que mon grand-père, dont je suis l’homonyme, un Sene, y est né, ses parents, venant de Gorée, s’y étant installés. La maison se trouve toujours là-bas, où vivent mes oncles, mes tantes, mes cousins.
J’ai de la famille à Joal-Fadiouth (où se trouve un des cimetières mixtes musulman-chrétien du Sénégal), comme j’ai des parents à Ndiongolor, Banjul, Bissau, Monrovia, Bamako…
Je m’appelle Djigane, et mes frères et sœurs s’appellent Maty, Thiaba, Ababacar, Jules-Charles (homonyme de mon grand-oncle feu Jules-Charles Diallo, membre actif de l’association catholique d’éducation), Alioune Badara, Assane (homonyme de mon grand-oncle feu Professeur Assane Seck), Ndeye Diené.
Nous sommes les enfants de Mamadou et Khadidiatou, mais également de Pape Mbaye, Ndeye Sene, Silman, Jacques, Mbissane, Khoyane…
Nous sommes les fiers et aimants parents, de Dakar à Paris, de Nouhadibou à Mindelo, de Muhammad Rassul, Maty, Nafissatou, Pape Ibrahima, Manuela Liliane, Fatima Inès, Mamadou, Serigne Saliou, Serigne Fallou, Silman Frédéric, Cheikh Ahmed Tijani…
Nous sommes les conjoints, les enfants, petits-enfants, les neveux, nièces, de Aïdara, de Diallo, de Dacruz Lima, de Serigne Bara, de Serigne Mansour, de Serigne Mountakha, de filles et fils d’Imams, de Cardinaux, de Nayims, de fondateurs de la Hizbut Tarqiyyah !
Nous crions « naaam » lorsque les noms Cissé, Sy, Mbacké, Sylla, Sakho, Aïdara, Fall, et tant d’autres vénérés, sont scandés !
Nous crions « naaam » lorsque sur l’avenue William Ponty nos noms sont scandés, et que de Gorée, Yoff, Ngor, Ouakam, par les Ndoye, Samb, Paye, Faye, Diop, Thiandoum, nos prénoms sont appelés, pour répondre à nos ancêtres et nos aïeuls !
Nous répondons à l’appel lorsque de l’école Clemenceau jusqu’à la petite mosquée de la Rue 11 de la Medina, nos noms sont appelés !
Nous nous recueillons sur la tombe de Y. Sy à Podor comme sur celle du Cardinal Thiandoum à Fissel.
Nous répondons à l’appel du Muezzin des Mosquées comme à celui des cloches des Églises, nous prosternant ou nous mettant en procession, lorsque devant Notre Créateur nous devons psalmodier, car nos parents nous ont appris très tôt à réciter les Versets Sacrés du Saint Coran comme ceux de la Sainte Bible !
Je suis un arc-en-ciel, un kaléidoscope, mais j’ai peur aujourd’hui de faire partie d’une « race » en voie de disparition au Sénégal.
J’ai peur, lorsque je vois de plus en plus, germer au sein des familles, entre frères et sœurs, entre communautés, entre confréries, entre confessions, les fleurs maudites de l’intolérance, de la division, de la haine, de la dissension.
J’ai peur, lorsque je vois Mourides et Tidianes, Khadres et Layennes, s’entre-déchirer, Chrétiens et Musulmans s’insulter, vouloir s’étriper, s’entre-tuer.
J’ai peur lorsque je vois que l’éducation et les valeurs que nous ont données nos parents tendent à devenir des vestiges du passé.
J’ai peur, lorsque je vois ce fanatisme rampant gagner chaque jour du terrain, dans ce champ que nos anciens avaient pris soin de labourer et de semer avec les graines de l’unité, de la compassion, du partage.
J’ai peur, mais je suis confiant, et suis persuadé, au plus profond de moi, que nous arriverons à nous retrouver, à partager, à réapprendre à savoir vivre ensemble, car nous avons du bon en nous, Sénégalais.
Pour cela nous devons apprendre à nous redécouvrir, à nous redéfinir, à chercher au plus profond de nous, ce qui fait notre unicité, notre inaltérable unité.
J’ai la FOI que demain, bientôt, après la tempête et les mauvais jours, nous nous dresserons tous ensemble, rayonnant comme le plus beau des arcs-en-ciel.
Car, après tout, et malgré tout, nous sommes :
un Peuple, un But, et nous partageons la même Foi.
Nous sommes SÉNÉGALAIS !