Tu seras une femme, ma fille
Fatou avait 12 ans, elle habitait dans un petit village près de la frontière orientale du Sénégal, à quelques encablures du Mali. Elle était la troisième d’une fratrie de dix enfants. Les temps étaient durs à cette époque, nous étions à la fin de la deuxième grande sécheresse qu’avait connue le Sahel, celle des années 80, et la terre était encore si dure à labourer, craquelée, une poussière rêche et rougeâtre sur laquelle son père s’évertuait chaque jour à faire pousser leur maigre pitance.
La famille avait quelques bêtes, des poules au plumage terne, qui cherchaient vainement et idiotement à picorer des graines qui ne germaient pas, une vieille chèvre dont on tirait un mince filet de lait amer, et une génisse toute osseuse que l’on gardait et dorlotait comme Abel aimait ses bêtes, jusqu’au jour où les temps se feraient plus durs et que le labeur de Caïn ne donne plus les fruits rêvés.